Etre...
Elle s'était promis de ne pas retomber dans ce cercle qui n'en finit pas de tourner sans fin et duquel on ne s'extirpe que très difficilement. Maman bulle penche en permanence vers ce centre, c'est son point d'inertie. Ca tourne autour d'elle et c'est comme si elle devait absolument attraper tout ce qui passe dans ce tourbillon ; elle se penche, toune les yeux dans tous les sens, s'interdit de les fermer un instant, maintien son attention pour tout contrôler. TOUT CONROLER, c'est ce qu'elle cherche à faire en permanence. Va savoir pourquoi? Est-ce qu'un jour quelqu'un lui a dit de faire ça pour être "comme il faut être"? Peut-être pas mais c'est ce message là qu'elle a imprimé (là tout au fond), et qu'elle a pris très au sérieux depuis toute petite. Alors quand les contraintes deviennent trop nombreuses... horaires, besoins de 3 enfants (devoirs-trajets-siestes-couches-jouer-repasj'aimepasça-calins-disputes-porterdanslesbras-soigner-répondre-argumenter-punir-séparer-réparer-j'saispasquoifaire-acheterlesvêtements-lireunlivre-inviteruncopain-sortiesd'école-retourécole-signerlesmots-faireréviserdanslebruit-pipiaulit-fairetairelespleurs-vaccins-vomi-coiffer-bain-rdvdentistepediatreorthodontistecardialogue-lessivemachinerepassage-tobbogan-chatouilles-ramasserjouetsculotteschaussonlivrebarrettes-pasletempsderanger-vaisselle-cadeaupourlamaîtresse-nezquicoule-trajetssport-pâteàmodeler-j'aiperdumonbonnetmesgantsmongilet-metsteschaussons-chauchemar-bosses-bleus-accidents-viderlesplacardsdansledosdemaman-onrecommencedepuisledébut...), et à côté un travail (à mi-temps certes) qu'on veut faire à fond même si les conditions ne s'y prêtent pas et puis bien sûr tous le reste qui fabrique un quotidien... il suffit d'un grain de poussière pour que tout ce cérémonial devienne un enfer, même ce qu'on aimait faire avec ses enfants, on n'en peut plus, même ce qu'on avait dit qu'on ne ferait jamais, on le fait (être injuste).
Ce grain de poussière c'est l'hiver pour maman bulle. Le temps qui empêche de sortir tous jours, les nuits qui tombent en pleine journée, les virus qui s'attaquent toujours à l'un d'entre nous, sans répis, les nuits hâchées par la toux des petits, une fatigue qui s'installe pour plusieurs mois. Alors l'appartement devient une prison, les jeux d'intérieurs une corvée, l'envie n'y est plus, le moral non plus. Les enfants calquent tout. Ils répondent à la fatigue par de l'excitation, à l'aggacement par des caprices, à l'enfermement par des disputes.
Mais le grain de poussière c'est l'arbre qui cache la forêt, bien sûr. On en revient toujours au tourbillon, à la culpabilité, à l'oubli de soi même et de ses désirs profonds. On est obligé de se poser la question de ce qu'on aime faire vraiment, on ne sait plus de quoi on a envie (faire un peu de shopping pour soi et se retrouver éternellement dans le rayon enfant sans savoir comment ou est arrivée là?), on ne sait plus de quoi on a besoin. Alors on se perd et quand on se perd on perd aussi un peu la moitié d'un couple. Il manque un bout, un couple c'est deux qui s'accordent bien. Pour ça il faut d'abord s'accorder bien avec soi-même...?
Elles sait qu'il faudra bien un jour faire la part des choses, tirer un bilan, regler l'addition et que les enfants s'envoleront. Il y a toujours un bon motif pour repousser le chantier à entreprendre (celui qui permettra le retour de soi). Elle a trop peur de lâcher prise, de laisser l'autre faire ce qu'elle doit faire, ce qu'elle saura toujours mieux faire (même si c'est faux). Lacher prise avec le vide en dessous un vide encore plus vertigineux que son tourbillon quotidien... Se taire, laisser faire, laisser dire, laisser le temps passer sans chercher à l'attraper.
Respire profondemment, respire...
"Toile d'araignée" ou jeu d'enfants qui devient terrifiant quand on le photographie d'en dessous par ciel d'hiver.